Les saints Pères, ayant tout ordonné avec sagesse, nous ont transmis en ce saint et Grand Jeudi de se souvenir de quatre événements :

  1. le lavement des pieds;
  2. le Dernier Repas et l’institution des Saints Mystères;
  3. la prière étonnante et, enfin,
  4. la trahison.

Puisque la Pâque juive tombait le soir du vendredi, et qu’à cette (Pâque) préfiguratrice, il était approprié d’associer la manifestation de la vérité selon laquelle l’Agneau — le Christ — s’offrit lui-même en sacrifice pour nous, il est dit, selon les saints Pères, qu’il partagea la Pâque avec ses disciples avant l’heure, le soir du jeudi. Car cette veille et tout le vendredi sont comptés comme un seul jour parmi les Juifs, c’est ainsi qu’ils comptent les jours. [Comme le disent certains, y compris saint Jean Chrysostome], le Seigneur et les apôtres l’observèrent alors conformément à la loi : d’abord debout, ceints et chaussés, appuyés sur leurs bâtons, (observant) tout ce qui était commandé, — afin qu’ils ne le considèrent pas comme un transgresseur de la loi. Tout avait été préparé par Zébédée — celui qui portait la cruche d’eau (Mc 14, 13; Lc 22, 10), selon Athanase le Grand, bien que d’autres pensent différemment. Puis, lorsque la nuit fut venue, le Seigneur, révélant à ses disciples quelque chose de plus excellent, leur donna dans la chambre haute le mystère de la nouvelle Pâque. Pendant le repas, dit (l’Évangile), il était couché avec les douze (cf. Jn 13, 2; Mt 26, 20). — Il est évident que ce n’était pas la Pâque légale, car (ici) il y a un repas, un couchage, du pain et du vin, tandis qu’il y a là tout ce qui est cuit au feu et des pains sans levain, (mais elle était) avant le début du repas [car c’est ainsi que le divin Jean Chrysostome l’écrit]. — (Ensuite) Jésus se leva de table, ôta ses vêtements et prit un linge, le mit dans l’eau, et commença à laver les pieds des disciples (Jn 13, 4), faisant tout lui-même, ce qui à la fois confondit Judas et en même temps rappela aux autres disciples de ne pas chercher à être les premiers. Il les enseigna même après le lavement des pieds, en disant : celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous (cf. Lc 22, 26; Mc 10, 44), se mettant lui-même en exemple (Jn 13, 15). Il s’avère que, avant les autres, le Christ lava les pieds de Judas, assis impudemment à la première place ; puis il s’approcha de Pierre, mais celui-ci, ayant un tempérament très ardent, interdit au Maître (de faire cela) et lui permit à nouveau (de lui laver) non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête (Jn 13, 8—9). Après avoir lavé leurs pieds et montré l’élévation étrange par l’humilité (cf. Lc 18, 14), ayant revêtu ses vêtements et s’étant de nouveau couché, il leur enseigna à s’aimer les uns les autres et à ne pas rechercher la primauté. Pendant qu’ils mangeaient, il commença à parler de la trahison. Comme les disciples étaient perplexes à qui il parlait (Jn 13, 22), Jésus dit secrètement à Jean : celui à qui je donnerai le morceau trempé, c’est lui qui me trahira (Jn 13, 26), car si Pierre avait entendu cela, comme il était le plus impétueux, il aurait tué Judas. Il dit aussi : celui qui trempe avec moi dans le plat (Mc 14, 20), car c’était aussi cela. Ensuite, à la fin du repas, il prit du pain, et dit : prenez, mangez. Il prit aussi la coupe, en disant : buvez-en tous, car ceci est mon Sang, le Sang de la Nouvelle Alliance ; faites cela en mémoire de moi (cf. Mc 14, 22—24; Lc 22, 19—20; Mt 26, 26—28) ; d’ailleurs, en le faisant, lui-même mangea et but avec eux. Notez qu’il appelle son Corps le pain, et non le pain sans levain, donc que ceux qui apportent du pain sans levain pour l’offrande eucharistique soient honteux. Et après (ce morceau de) pain, Satan entra dans Judas (Jn 13, 27), — celui qui le tentait auparavant (de l’extérieur) s’installa maintenant définitivement en lui. Et sortant, il dit (l’Évangile), Judas s’entendit avec les principaux sacrificateurs pour leur livrer le Maître pour trente pièces d’argent (cf. Lc 22, 3—5; Mt 26, 14—15).

Après le repas, les disciples se rendirent sur la montagne des Oliviers, dans un village appelé Gethsémani. Alors Jésus leur dit : Vous serez tous scandalisés à cause de moi cette nuit. Pierre lui dit : Même si tous sont scandalisés à cause de toi, je ne le serai jamais (cf. Mt 26, 30—31, 33; Mc 14: 26—27, 29, 32). Il était déjà tard, c’est-à-dire au milieu de la nuit. Et Jésus lui dit : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois (Mc 14, 30). Et cela se produisit, lorsque Pierre fut saisi d’une grande frayeur, car Dieu avait montré la faiblesse de la nature humaine, et aussi parce qu’il lui avait confié les clés du Royaume des cieux, — afin qu’en reconnaissant l’inconstance de notre nature, il soit miséricordieux envers les pécheurs. Cependant, le reniement de Pierre, qui se produisit trois fois, représentait le péché de tous les hommes devant Dieu : la première fois — la transgression du commandement par Adam ; la deuxième fois — la transgression de la loi écrite ; et la troisième — (la transgression) contre la Parole incarnée elle-même. Ce triple reniement que le Sauveur guérit ensuite par une triple confession, en demandant trois fois : Pierre, m’aimes-tu ? (Jn 21, 15—17).

Alors Jésus dit aux disciples [en montrant la caractéristique humaine — que la mort effraie tout le monde] : Mon âme est saisie de tristesse à en mourir (Mt 26, 38; Mc 14, 34). Et s’éloignant un peu, il se jeta contre terre et pria que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : Père, tout est possible pour toi, éloigne de moi cette coupe ! (Mc 14, 36). Il parlait ainsi selon la nature humaine, tout en contournant habilement le diable, afin que celui-ci, le considérant (comme un simple) homme à cause de sa peur de la mort, n’empêche pas le mystère de la crucifixion de se réaliser. Revenant et trouvant les disciples endormis, le Seigneur dit à Pierre : Vous n’avez donc pas pu veiller une heure avec moi ? (Mt 26, 40) — c’est-à-dire : toi qui as promis de m’accompagner même jusqu’à la mort, tu dors avec les autres.

Passant de l’autre côté du ruisseau du Cédron, où se trouvait un jardin, Jésus y entra avec ses disciples. Il avait l’habitude de venir souvent là, c’est pourquoi il connaissait cet endroit et Judas (cf. Jn 18, 1—3), qui, ayant pris une troupe de soldats, vint avec une grande foule, et s’approchant de Jésus, leur donna un signe en l’embrassant. Ils étaient convenus ainsi, parce que de nombreuses fois le Christ, poursuivi, s’était échappé sans être remarqué ; comme ici, il sortit lui-même à leur rencontre, demandant : Qui cherchez-vous ? (Jn 18, 4), — et encore une fois ils ne le reconnaissaient pas, mais ce n’était pas à cause de l’obscurité, car ils avaient des torches et des lampes allumées, dit l’évangéliste (Jn 18, 3), et, saisis de frayeur, ils reculèrent et tombèrent à terre (Jn 18, 6) ; puis ils s’approchèrent de nouveau, et lui-même leur dit : C’est moi (Jn 18, 8). Quand Judas leur fit signe, Jésus dit : Ami, pourquoi es-tu venu ? C’est pour cela que tu es venu (cf. Mt 26, 50). Et il ajouta : Comme contre un brigand vous êtes venus avec des épées et des bâtons pour m’arrêter ? (Mc 14, 48; Lc 22, 52). Ils étaient venus de nuit, pour qu’il n’y ait pas de tumulte parmi le peuple. Le plus ardent, Pierre, tira son épée, car ils étaient préparés à cela lors du repas, et frappant le serviteur du grand prêtre, nommé Malchus, il lui coupa l’oreille droite (cf. Jn 18, 10). Jésus savait que les grands prêtres disaient qu’il comprenait et interprétait mal la loi, et c’est pourquoi il l’empêcha, — car il n’est pas convenable pour un disciple de l’homme spirituel d’utiliser une arme, — mais il guérit l’oreille de Malchus. (Alors les soldats et les serviteurs juifs), ayant pris Jésus, le conduisirent, lié, dans le prétoire du grand prêtre Anne, qui était le beau-père de Caïphe (cf. Jn 18, 12—13). Tous les pharisiens et les scribes qui accusaient Jésus s’étaient rassemblés là. C’est là que Pierre renia Jésus devant une servante, au milieu de la nuit, et le coq chanta pour la troisième fois ; et Pierre, se souvenant (des paroles du Seigneur), pleura amèrement. Au matin, ils amenèrent Jésus chez Anne, puis le conduisirent chez le grand prêtre Caïphe, où Jésus subit des crachats et où des faux témoins furent appelés. Et à l’aube, Caïphe l’envoya à Pilate. Lorsqu’ils l’amenèrent, ils n’entrèrent pas dans le prétoire, pour ne pas se souiller, afin de pouvoir manger la Pâque (Jn 18, 28). C’est pourquoi on suppose que les grands prêtres et les pharisiens ont peut-être enfreint la loi en déplaçant la Pâque, comme l’explique saint Jean Chrysostome[2]. Car il aurait été approprié pour eux de la manger la nuit (le vendredi), mais ils l’ont différée pour mettre à mort Jésus. Quant à savoir précisément quand ils devaient la manger, — le Christ l’a montré, lui qui a d’abord mangé la Pâque cette nuit-là, puis a enseigné le Mystère parfait, — ou bien (il l’a fait) parce que, comme mentionné précédemment, il convenait de révéler la vérité avec l’ancien préfiguré légal. Et Jean (le note aussi) (que cela s’est produit) avant la fête de la Pâque (Jn 13, 1).

Parce que tout cela s’est produit un jeudi et sa nuit, nous le célébrons (aujourd’hui) pieusement, en commémorant ces actes et événements redoutables et insondables.

Christ notre Dieu, par ta miséricorde ineffable, aie pitié de nous. Amen.

 

 


[1] C’est-à-dire l’arbre de la Croix.

[2] Sur Matthieu, discours 84.

[3] C’est-à-dire qu’il a mangé la Pâque dans la nuit du jeudi, alors qu’il était prévu pour le soir du vendredi ; mais le Seigneur, en tant qu’Agneau véritable et notre Pâque, voulait être déjà sacrifié le vendredi — en même temps que l’agneau pascal qui le préfigurait — c’est pourquoi il a anticipé en mangeant la Pâque avec ses disciples (voir aussi le synaxaire du Vendredi Saint).

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