Ivan Aïvazovski « Passafe du peuple juif à travers la mer Rouge« Tous les éléments sublimes que Dieu accomplit pour ramener l’homme dans Sa maison après la désobéissance et pour le faire Sien à nouveau, sont appelés l’économie divine. « L’économie de notre Dieu et Sauveur au sujet de l’homme consiste à le relever de sa chute, à le faire revenir de l’état d’inimitié, conséquence de sa désobéissance, à l’intimité de Dieu. »

Cet événement du salut en Christ, nous le vivons dans la divine liturgie et nous rendons grâces à Dieu : « Les mystères redoutables qui sont accomplis lors de chaque assemblée des fidèles et qui offrent en profusion le salut sont appelés Eucharistie, car ils constituent le souvenir de nombreux bienfaits et nous manifestent le point culminant de la divine Providence. » La divine liturgie permet en fait de revivre de manière sacramentale ces bienfaits et elle constitue « la récapitulation de toute l’économie ». C’est la raison pour laquelle, à la fin de la liturgie de saint Basile le Grand, le célébrant dit : « Voici consommé et accompli, ô Christ notre Dieu, le mystère de Ta divine économie. »

Le mystère de l’économie divine a été manifesté simultanément à la désobéissance de l’homme. Le Maître qui aime les hommes « vit immédiatement la chute et la dimension de la plaie, et s’empressa de recourir au remède afin que la plaie ne s’étendît et ne se transformât en blessure incurable. Il n’a cessé même un instant de montrer Sa providence pour l’homme, animé qu’il était par Son amour». Par des œuvres sublimes et des paroles prophétiques, Dieu a préparé l’homme à participer à la plénitude de la Vie et de l’Amour.

Un certain nombre d’événements et de prophéties de l’Ancien Testament préfiguraient le mystère de l’Eucharistie.

Le premier d’entre eux fut l’offrande du pain et du vin par Melchisédec (Gn 14, 18-20), qui était la préfiguration et l’image du Christ, le véritable grand-prêtre (cf. Ps 109, 4) et son offrande est l’imitation de celle du Seigneur. Melchisédec, « mû par un esprit prophétique, avait en vue la future offrande qui serait faite pour les nations. Pour cette raison, imitant le Christ qui devait venir, il honorait Dieu en offrant le pain et le vin ». Melchisédec, dans le Saint-Esprit, vit le futur dans le présent et imite ce qui n’avait pas encore été réalisé.

Une autre préfiguration du sacrifice du Christ et de l’Eucharistie est le sacrifice d’Isaac par Abraham (Gn 22, 1-14), ainsi que le sacrifice du prophète Élie (3 R 18, 17-40). La vision d’Isaïe (Is 6, 1-7) se déroule également dans une atmosphère liturgique: le Seigneur est assis sur un trône, porté par les séraphins qui chantent l’hymne trois fois sainte, tandis qu’est offert le sacrifice de l’encens. Selon les saints Pères, une prophétie du patriarche Jacob (Gn 49, 10-11) et une autre du prophète Malachie (Ml 1, 11) se réfèrent aussi à l’Eucharistie.

Cependant, l’événement par excellence qui préfigure l’Eucharistie était la Pâque judaïque. Cette fête était une commémoration continue du salut des Juifs des mains des Égyptiens et une action de grâces à Dieu ininterrompue pour Ses bienfaits. Tous les événements qui se sont produits lorsque les Juifs s’enfuirent d’Egypte constituaient « des mystères redoutables et très profonds. Et s’ils étaient tels en figure, à plus forte raison le sont-ils en réalité… [car] la réalité est que nous mangeons aussi la Pâque, le Christ!».

Tous ces événements ont préparé l’avènement du Christ. Ainsi, lorsque vint la plénitude des temps, la Vérité a été révélée, alors quelle n’était jusqu’alors qu’esquissée. En même temps, les véritables dimensions du mystère de la divine économie ont été manifestées, car le Christ est la récapitulation de ce mystère.

Dans la divine liturgie, tous les événements de la vie du Christ sont célébrés de façon sacrée : « Ce qui est accompli durant la divine célébration sacrée est la figure de la passion salvifique, de l’ensevelissement et de la résurrection du Christ et de toute Sa venue salvatrice sur terre et de Son économie divine. » Dans la divine liturgie, le célébrant, « devant l’Autel divin, chante les œuvres sacrées et divines de Jésus-Christ. Ensuite, il célèbre les divins Mystères et porte devant nos yeux ce qu’il a loué précédemment». Devant nous se manifeste la vie du Christ, car « toute la mystagogie est comme une image unique d’un seul corps, qui est la vie terrestre du Sauveur».

Saint Jean Chrysostome écrit que « les yeux de la foi voient ce qui est invisible ». Écoutons donc ce que le saint a perçu ainsi dans la liturgie:

La sainte église où est célébrée l’Eucharistie divine est Bethléem: « Accours à la Bethléem (c’est-à-dire à l’église), où se trouve la maison du Pain spirituel. » Dans peu de temps, dans la chambre haute de Sion, nous participerons à la Cène mystique avec les disciples. En effet, dans la divine liturgie « est accomplie la même Cène que celle à laquelle le Christ était assis. Cette cène eucharistique [que nous célébrons maintenant] n’est en rien différente de celle-ci». « Cette sainte église est la chambre haute où étaient rassemblés le Christ et les disciples. De là, ils partirent pour le mont des Oliviers. »

Ensuite, le saint Autel devient le lieu du Crâne et le terrible Golgotha : le mystère de la divine Eucharistie « est la figure de ce sacrifice [du Golgotha] ; le sacrifice qui fut offert alors, nous l’offrons maintenant également ». Après le Golgotha, nous vivons la Résurrection : « Le Mystère accompli à Pâques n’est en rien supérieur à celui que nous accomplissons maintenant. C’est un seul et même mystère, c’est la même grâce du Saint-Esprit. C’est toujours Pâques. »

L’Eucharistie est la Pâque incessante de l’Église. C’est le début du siècle nouveau qui fait irruption dans l’ancien et le renouvelle. C’est la présence charismatique du Royaume à venir: « Tu n’as cessé de tout faire jusqu’à ce que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à venir. » Le Christ nous a accordé dès maintenant le Royaume à venir et a mis le Ciel à notre portée: « Il nous a rendu le Ciel accessible. » Et ce qui est encore plus sublime : Il nous accorde de Le recevoir en nous, Lui le Maître du Ciel.

La divine liturgie est le Mystère du Christ. En elle coexistent ce qui est proche et ce qui est éloigné, le commencement et la fin. « La Pâque du Christ apparaît, les époques se réunissent (c’est-à-dire que les distinctions du temps sont annihilées), l’ordre cosmique s’établit. » De même que le Christ est l’Alpha et l’Oméga., le premier et le dernier, le commencement et la fin (Ap 22, 13), ainsi la divine liturgie est le rassemblement de l’espace et du temps dans le Christ et leur transfiguration en espace et en temps liturgiques.