Le prêtre : Tenons haut les cœurs.
Le chœur : Nous les avons vers le Seigneur.

Le récit évangélique de la Transfiguration du Christ mentionne que Jésus prit avec Lui Pierre, Jacques et Jean, et II les emmena seuls à l’écart sur une haute montagne. Ilfut transfiguré devant eux (Mc 9, 2). C’est la même chose qui se produit lors de la sainte anaphore, qui est le miracle de la Transfiguration liturgique: la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ nous « prend » du monde où nous vivons, et nous « élève » [en grec anapherei — verbe qui est dérivé du nom anaphora, l’anaphore] sur la haute montagne de l’amour du Dieu et Père, où est célébré le mystère de la communion du Saint-Esprit.

Lorsque Dieu demanda au patriarche Abraham le sacrifice d’Isaac, Il lui dit: Prends ton enfant, ton fils chéri, ton Isaac, que tu aimes tant; va en la haute terre, et là, offre-le en holocauste (Gn 22, 2). C’est sur cette terre que le célébrant nous exhorte à monter nous aussi, pour offrir l’anaphore eucharistique. Imitons alors le patriarche Abraham, qui n’a laissé ni ses serviteurs, ni ses animaux s’approcher du lieu du sacrifice. Saint Jean Chrysostome donne l’explication suivante: « Toi non plus, ne souffre pas qu’aucune passion servile, ignoble, t’accompagne [sur le lieu de la sainte anaphore] ; va tout seul sur la montagne que gravit Abraham, où il n’est permis à rien d’autre de monter… Que rien ne vienne te troubler en cet instant; élève-toi au-dessus du ciel même. » « Gardant nos cœurs dans les hauteurs e; tournés vers Dieu, observons cette merveilleuse vision, c’est-à- dire notre nature humaine coexistant éternellement avec le feu immatériel de la Divinité. »

Tenons haut les cœurs, dit le prêtre. Par le mot haut, il nous indique le lieu où se produit la rencontre de l’âme qui aime Dieu avec le Fiancé, le Christ. Ce lieu n’est pas déterminé. Il s’agit d’une échelle divine, qui s’appuie sur le saint Autel et dont le sommet est inaccessible à la vue de l’homme. Un mouvement perpétuel caractérise les saints. Ils se meuvent depuis l’Autel jusqu’à la contemplation de la lumière incréée et reviennent à l’Autel, qui est rempli de lumière. Car sur celui-ci le Christ, la Lumière du monde, pose « Son corps illuminateur ‘ » pour la nourriture et la vie du monde.

L’âme s’élève sans cesse. Et plus elle s’élève, plus elle aspire à prendre de la hauteur. L’ascension embrase son désir et la nourriture de l’Eucharistie augmente sa faim de contemplation mystique. Saint Syméon le Nouveau Théologien, qui a contemplé la beauté de la lumière incréée et a été nourri par la nourriture de l’incorruptibilité, utilise une image unique :

« Je ne sais ce qui me réjouit davantage, la vue et le charme des purs rayons du Soleil, ou bien de boire et de goûter le vin qui (coule) en ma bouche. Je voudrais dire que c’est le second, et le premier m’attire et m’apparaît plus doux: et lorsque je me tourne vers le premier, voilà qu’à son tour la douceur du goût m’est encore plus suave, et je ne peux ni me lasser de regarder, ni me rassasier de boire. Car lorsque je crois avoir bu tout mon soûl, voilà que la beauté des rayons qui en jaillissent redouble ma soif, et je me trouve à nouveau altéré. »

L’âme s’élève pour rencontrer Dieu. Et la peine quelle se donne lui donne des forces. Elle découvre en elle de nouvelles puissances, alors quelle gravit le Thabor liturgique: «Elle s’élève toujours davantage», dans « un mouvement ascensionnel qui n’a pas de cesse, où elle trouve toujours, dans ce quelle a réalisé, un nouvel élan pour voler plus haut1 L’homme déraisonne alors : il ne demande pas à Dieu de Le voir comme il le peut lui-même, mais comme II est vraiment, jusqu’à rassasier son désir. Et l’amour divin pour l’humanité satisfait son désir de cette vision de Dieu en montrant que cette requête est impossible : car « la véritable contemplation de Dieu a pour caractéristique que celui qui lève les yeux vers Lui ne cesse jamais de Le désirer ».

« Nous les avons vers le Seigneur », répondent les fidèles au célébrant. Par cette réponse, ils l’assurent qu’ils sont déjà montés « jusqu’aux hauteurs… jusqu’au trône de Dieu1 ». Leurs cœurs sont dans les hauteurs, où le Christ est assis à la droite de Dieu (Col 3, 1).